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Katmandou, décembre


Népal, Katmandou, Stupa Swayambunath, © L. Gigout, 1990
Stupa de Swayambunath. Les yeux représentent la sagesse et la compassion.


À l’aube de la civilisation, la vallée du Népal était un grand lac turquoise peuplé de Nâgas, les dieux serpents. Un beau jour, le bouddha Vipssaya y planta son lotus et rendit la prophétie suivante : « Lorsque fleurira ce lotus, Swayambhu, celui qui existe de par lui-même, apparaîtra sous la forme d’une flamme. » Une merveilleuse fleur de lotus apparut avec, émanant d’elle, une lumière bleue resplendissante. Le lac était beau et la lueur sacrée, représentation du Bouddha primordial. Des fidèles vinrent de lointaines contrées afin de prier et de méditer. Ils vivaient dans les grottes bordant les berges. Le bodhisattva Manjushri, patriarche d’un ermitage en Chine, arriva au bord du lac monté sur un lion. Après avoir comblé d’offrandes la flamme de l’Être Suprême, il conçut le plan d’assécher le lac afin qu’il pût adorer la lumière de plus près. De son glaive, il fendit le rocher et permit ainsi à l’eau de s’écouler, créant la rivière Bagmati et formant la gorge que l’on peut voir à Chobar (je confirme). La première terre à émerger fut le site de Swayambhu, où se trouvait le lotus. Pour le protéger, on érigea un sanctuaire qui a survécu jusqu’à nos jours : le stûpa Swayambhunâth. Le temple est surmonté d’un parallélépipède lui-même coiffé d’un cône au sommet duquel convergent une corolle de banderoles. Sur les quatre côtés du parallélépipède sont peints des yeux au regard sévère. Un point d’interrogation inachevé est dessiné à l’endroit du nez. La divinité qui se cache là-dedans évoque une sorte de Big Brother spirituel, hénade-principe cher aux anciens Grecs.


Népal, Katmandou, Stupa Swayambunath, © L. Gigout, 1990
Moines sur la terrasse du stupa.

Népal, Katmandou, Stupa Swayambunath, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Stupa Swayambunath, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Stupa Swayambunath, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka Square, Marché des Légumes, © L. Gigout, 1990
Le Marché des Légumes, Hanuman Dhoka Square.

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka Square, Marché des Légumes, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka Square, Marché des Légumes, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka Square, Marché des Légumes, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka Square, Marché des Légumes, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Durbar Square, © L. Gigout, 1990
Fillette à Durbar Square.

Népal, Katmandou, Narasimha, Hanuman Dhoka, © L. Gigout, 1990
Narasimha quatrième avatar de Vishnou, à l'entrée du Palais Hanuman Dhoka à Durbar square.

Népal, Katmandou, Durbar Square, © L. Gigout, 1990
Durbar square.

Népal, Katmandou, Durbar Square, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, © L. Gigout, 1990
Sur les marches du temple de Shiva.

Népal, Katmandou, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990
Thamel.

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990
Famille quartier Thamel.


Années 60. Où l’on retrouve notre Routard et où l’on prend conscience de la dimension philosophique de sa pensée. Alors que certains fomentent d’ultimes grands soirs, d’autres s’inventent de nouveaux pèlerinages. Après New York, San Francisco, l’île de Wight, Amsterdam et Hambourg, Katmandou leur délivre un certificat d’authenticité définitif. Ils sont en proie au nihilisme, en quête d’absolu (ou d’absolution) et soudain effrayés par la réalité tragique d’un être limité à l’unique monde empirique et par la vérité de la connaissance limitée aux perceptions sensibles et aux lois de l’entendement. Belle jeunesse en rébellion contre un ordre ennuyeux qui vient s’échouer au pied de la résidence des dieux, au delà de laquelle s’étend l’inaccessible immense empire rouge. Elle trouve ici l’admirable hospitalité népalaise, la tolérance absolue du syncrétisme entre hindouisme et bouddhisme, l’ambiance mystique, les fumées d’encens et un taux de change entre dollars et roupies qui lui garantit un approvisionnement correct en produits de première nécessité. Ils resteront un mois, deux mois, quelques années. La plupart flancheront devant les émissaires des papas éplorés ne sachant quelles dispositions prendre quant au patrimoine familial. Les autres, spécimens ricaneurs mystiques ou derniers idéalistes, feront la renommée de la Freak Street. Les autorités de Katmandou ont “nettoyé” la ville et les derniers junkies ont été priés d’aller halluciner ailleurs. Cependant, tourisme oblige, le mythe des Chemins de Katmandou est soigneusement entretenu. Car les anciens hippies, qui ont discipliné leur système pileux, grimpé l’échelle sociale et sont devenus papas à leur tour, reviennent maintenant accompagnés de leurs enfants sages, caméscope en bandoulière. Dans le quartier qui monte, Thamel, à l’est de Durbar Square où se trouve le Hanuman Dhoka, l’ancien palais des rois du Népal, se sont installés les lodges confortables, les pizzerias, les fast-foods et les boutiques de fripes baba-cool. J’ai toujours un peu de mal à comprendre la métamorphose qui s’opère dans son accoutrement chez l’Occidental quand il devient touriste. À côté d’eux, les autochtones sont d’une élégance rare. Les hommes vêtent des vestes légères descendant jusqu’à mi-cuisses, fermées sur le devant par un double cordon qui maintient d’abord le pan intérieur au niveau de la taille et de l’épaule, puis le pan extérieur. Le pantalon est coupé dans le même tissu, à fond large avec les jambes resserrées à partir du genou de manière à mouler le mollet et la cheville. Ils sont coiffés d’une calotte en coton couverte de fleurettes ou de fins motifs géométriques. Les femmes sont en corsage ou en sari, un châle dans leurs cheveux. Elles portent de larges boucles d’oreille, des bracelets et parfois un fin anneau d’or dans une narine. Appliqué au centre du front, elles arborent le bindu qu’elles ont reçu du gardien du temple en remerciement des offrandes matinales. Il est l’image de l’incommensurable unité en forme de point final de l’intégration, aussi bien que point de départ de toute méditation profonde. Le bindu est un grain de lumière, vivant comme une étoile. C’est une goutte flamboyante qui renferme un espace infini et des soleils innombrables.


Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990
Thamel.

Népal, Katmandou, Thamel, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Bhimsen, © L. Gigout, 1990
En attendant le travail, quartier de la tour Bhimsen.

Népal, Katmandou, Stupa Kathesimbu, Chandraman Singh Marg, © L. Gigout, 1990
Stupa Kathesimbu et une de ses portes, Chandraman Singh Marg.

Népal, Katmandou, Stupa Kathesimbu, Chandraman Singh Marg, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Durbar Square, © L. Gigout, 1990
Durbar square.

Népal, Katmandou, Kamasutra, Durbar Square, temple Jaganath, © L. Gigout, 1990
Kamasutra pour les nuls, temple Jaganath à Durbar square.

Népal, Katmandou, Kamasutra, Durbar Square, temple Jaganath, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Kamasutra, Durbar Square, temple Jaganath, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Kamasutra, Durbar Square, temple Jaganath, © L. Gigout, 1990


Dimanche. Temple Jaganath. Je suis assis sur des hautes marches qui font le tour du temple, sorte de kiosque carré à la toiture sophistiquée. Une chèvre attachée à un pilier broute une salade abandonnée par une vieille femme. Des hommes discutent avec animation. Trois jeunes Népalais, ou peut-être des touristes indiens, s’approchent et tournent autour du temple, s’arrêtant tous les deux mètres, la tête en l’air. Ils rient de bon cœur. Surtout l’un d’entre eux qui s’esclaffe avec des bruits de gorge. Curieux de voir ce qui les amuse ainsi, je lève la tête et regarde attentivement les sculptures fissurées des corniches et des décharges. Je fais le tour du temple une fois, deux fois. Je vais au temple Mahadev, situé juste en face. Les jeunes gens me regardent et rient de plus belle. Les acrobaties érotiques des petits personnages sculptés, les poses suggestives, dessinent un chemin de croix particulier où la recherche du plaisir remplace la mortification et la souffrance. Je vois venir mes aimables lectrices : divagations lubriques, soumission de la femme aux mâles fantasmes, religion sexiste, Kâmasûtra et compagnie ! Fable que tout cela. Les petits personnages qui s’emboîtent selon des combinaisons originales figurent bel et bien l’union de principes tels que Sagesse et Méthode. Et tenez, je vais vous dire un truc : participer à l’impulsion cosmique de cette façon, moi je suis pour !...


Népal, Katmandou, Kumari Bahal, © L. Gigout, 1990
Sculpture dans le Kumari Bahal.

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka, Durbar square, © L. Gigout, 1990
Kumari Bahal.

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka, Durbar square, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka, Durbar square, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka, Durbar square, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, Hanuman Dhoka, Durbar square, © L. Gigout, 1990
Palais Hanuman Dhoka à Durbar square.

Népal, Katmandou, Kumari Bahal, © L. Gigout, 1990
Kumari Bahal, l'appartement de la déesse vivante.

Népal, Katmandou, Kumari Bahal, © L. Gigout, 1990


Dans l’ancien temps, le roi avait pour habitude de jouer aux dés avec sa déesse préférée, Taleju la Magnifique, protectrice du royaume. Les dés étaient à l’époque fort prisés et l’on allait jusqu’à en faire une invention divine. Entre le roi et la déesse, pas question de boogie-woogie. Rien que du ludique. Pourtant un soir, n’y tenant plus, le roi craqua et, sous prétexte de ramasser son dé malencontreusement tombé à terre, il se baissa, se glissa sous la table, etc. Et cætera rien du tout car madame Taleju repoussa avec colère les ardeurs royales. Roi ou pas, on ne badine pas avec la vertu des déesses ! Elle s’enfuit et n’accepta de revenir que réincarnée en jeune vierge de caste inférieure et de religion différente, ce qui dégoûta définitivement le roi. La fille à sa fenêtre est l’incarnation de la déesse Taleju. Déesse vivante. Ça me plairait bien comme métier mais je n’ai pas l’âge requis. Les déesses doivent être renouvelées dés la première perte de sang et leur recrutement doit satisfaire exactement trente-deux conditions où il est question de la couleur des yeux et des cheveux, des cuisses et d’un sexe bien moulés, d’une voix qui doit être douce comme celle d’un canard et des cils qui doivent être comme ceux d’une vache.

Vous pouvez envoyer votre CV accompagné d’une photo récente au Comité pour l’Élection de la Déesse vivante, Katmandou, Népal. Sachez toutefois que, si vous vivrez dans un palais et recevrez les grands de ce monde, vous serez recluse. Il vous faudra arrêter la salsa et les cafés de Belleville.



Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990
Fontaine au pied de la tour Bhimsen.

Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, fontaine Bhimsen, © L. Gigout, 1990

Népal, Katmandou, stupa Swayambunath, joueur de flûte, © L. Gigout, 1990
Le joueur de flûte, derrière le stupa de Swayambunath.

Népal, Katmandou, Hanuma Dhoka, © L. Gigout, 1990
Autre version du dieu Hanuman, à proximité du Hanuma Dhoka.

Népal, Katmandou, Tata, © L. Gigout, 1990
Camion Tata.


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