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De Shigatse á Katmandou (Tibet 5/5), novembre


Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990
Labours à Shalu.

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990
Village de Shalu.

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990
Enfants de Shalu.

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shalu, © L. Gigout, 1990
Maison à Shalu.

Tibet, Shigatse, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shigatse, © L. Gigout, 1990
Shigatse, le marché.

Tibet, Shigatse, © L. Gigout, 1990
Toilette matinale sur le toit de l'hôtel à Shigatse.


La route de Gyangze à Shigatze traversait un plateau bordé de montagnes rondes. Monotonie. Poussière. Shigatse, grande sœur de Gyangse. Forteresse. Grand Temple. Étals des marchés. Au Tensing Hôtel, en face du marché, le confort est sommaire et l’eau fait cruellement défaut. Rêves de piscine. Vers la fin de l’après-midi, les bourrasques soulevaient la poussière des montagnes. Le Véhicule toussait et crachait et peinait à faire front. Le soir, lorsque la lumière devint oblique, les versants prirent des couleurs nuancées, bruns légers et bistres profonds.


Tibet, Shigatse, cardage, © L. Gigout, 1990
Cardage de la laine de mouton à Shigatse.

Tibet, Sakya, © L. Gigout, 1990
Village de Sakya.

Tibet, Sakya, © L. Gigout, 1990

Tibet, Sakya, battage, fléau, © L. Gigout, 1990
Battage au fléau dans le monastère de Sakya.


Des femmes et des hommes chantent. Les sons ressassés d’une voix sourde par les hommes donnent une profondeur tellurique à la mélodie, les tonalités aiguës des femmes son caractère aérien. Les chants viennent d’une terrasse située à l’entrée du monastère. Trois jeunes filles et deux garçons sont occupés à battre l’orge au fléau. Quand je m’approche, ils s’arrêtent et m’entourent, touchent mes vêtements, examinent ma montre et une broche achetée à Lhassa. Puis ils se remettent au travail et reprennent leur chant. Je reste un instant avec eux, fasciné.


Tibet, Sakya, © L. Gigout, 1990
Prisonnier de la montagne à Sakya.


Sakya, jeudi 29 novembre 1990. Le village et la montagne. Rêves, envies, désirs... Rêves de légendes inscrites dans le vent et sur les pierres. Envies d’échapper aux effluves d’encens et des huiles rances des temples et des monastères. Désirs d’élévation et de lignes de crête. La montagne attirait le voyageur. Alors il a laissé derrière lui la capitale oubliée. Une simple promenade. Une simple promenade ? Au début, oui, ça allait bien. Mais la pente s’est vite avérée plus abrupte qu’il n’y avait paru. Elle s’est même rudement incurvée. Mais s’il n’y avait que ça ! Cette roche : il met la main dessus, il tire, ça fout le camp. Il a maintenant de plus en plus de mal à progresser. Malgré la roche schisteuse, ravinée, en voie de dissociation, le voyageur continue. Centimètre par centimètre, il continue de progresser vers le sommet. Après tout, la ligne de crête n’est-elle pas juste au-dessus de lui et le ciel est si transparent ? Transparent... C’est bien le moment de jouer au contemplatif. En réalité, ça ne va pas. Ça ne va pas du tout. Cette roche est pourrie. À chaque mouvement, il risque la culbute. C’est bien trop risqué. Il pense à redescendre mais il demeure collé contre le flanc de cette montagne. Il aperçoit, tout en bas, les maisons du village tibétain avec leur réserve de fagots disposée sur les terrasses, l’imposant monastère et le village chinois engoncé dans ses rues rectilignes. Monter ou descendre ? Descendre ou monter ? La vérité, c’est qu’il est devenu maintenant beaucoup plus difficile de redescendre que de continuer à monter. Monter pourtant ne résout rien puisque, par principe et en vertu de la Grande Cohérence Spatio-temporelle, le voyageur le sait, il convient de toujours redescendre ce qui a été monté. Le voyageur oublie qu’il est au Tibet où ce principe ne s’applique pas. Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, dit le proverbe tibétain, continue de monter. Que va-t-il faire alors ? Continuer de monter. De l’autre côté, vers la plaine, la ligne de crête doit certainement s’abaisser... S’aidant de son couteau pour faire dans la paroi des entailles où il puisse glisser ses doigts et la pointe de ses pieds, il progresse de quelques centimètres encore. Il ne peut s’empêcher de penser que sa vie va se terminer là, sur cette montagne pelée griffée par le vent. Mais il se console en se disant que l’endroit n’est pas banal. Rares sont les élus dont les dieux acceptent l’offrande de leur vie sur une montagne de leur domaine. Le vent souffle par violentes rafales. Le moindre effort épuise le voyageur qui souffle lui aussi comme une forge. Monter ou descendre ? Cette question décidément l'obsède. Comment sortir de ce manichéisme augustinien ? À ne pas confondre avec machiner l’isthme d’Augustine, pense-t-il. (On ne tiendra pas rigueur au voyageur de son absence de poésie et de moralité dans ces minutes de tragique intensité.) Pourquoi ne pas essayer la troisième voie, la Voie du Milieu ? D’autant qu’il est déjà dix-sept heures. Sait-il ce que cela signifie ? Dans moins de deux heures, il fera nuit. Il lui faut trouver un passage. Vite. La nuit tombée, rien ne sera plus possible. Collé contre la montagne, lentement, il progresse maintenant latéralement. Il va geler, pense-il. On viendra le réveiller dans deux ou trois mille ans. il sera sûrement célèbre. Mais sa Pénélope aura-t-elle la patience requise dans ce monde de l’accélération exponentielle si caractéristique du progrès humain ? Un ravin creuse dans la colline un chemin caillouteux. Il le suit. Peu à peu, le chemin devient humide. Le voyageur progresse en laissant des empreintes dans la pâte visqueuse sécrétée par la montagne. Le ravin se transforme en petit torrent, puis en cascade le long d’une paroi verticale, l’obligeant à revenir sur ses pas. Il est contraint à des haltes fréquentes pour reprendre son souffle. Il essaye un autre ravin, contourne un réservoir naturel en agrippant la paroi et en s’aidant de son couteau, n’est pas vraiment surpris de tomber sur une nouvelle cascade. Il tente de descendre le long de la paroi mais la roche est friable et ses doigts deviennent gourds sur les schistes incrustés de mica. S’il pouvait en dégager quelques cristaux. Le mica était considéré comme une nourriture d’immortalité. Il permettait de voler, de chevaucher les nuages à la façon des Immortels. Une tempête se lève dans la plaine. Le vent s’engouffre dans le passage raviné avec ses volées de sable mêlé de pluie. Le vent effrite la montagne. Le voyageur arc-bouté peut l’entendre craquer et sentir sur lui des petits morceaux de roche qui tombent en pluie. Il n’en peut plus. Il se sent stupide et il a peur. Il voudrait se coucher, oublier, s’endormir... C’est alors qu’il croit apercevoir un monticule d’une forme étrange. Le museau du yak ! Tintin au Tibet ! Le dénivelé doit bien être de cinq mètres. Le voyageur décide que la corniche du bas est constituée d’un lit de roche décomposée et humide qui amortira le choc. La lumière diminue, le soleil a disparu. Dix-huit heures. Le crépuscule est là. Plus vraiment de temps pour les états d’âme. Un yeti, oui, pense-t-il  alors bizarrement, un yeti gigantesque et femelle. Les seins jaillissant de son manteau de poils... Ivresse hypoxique due à l’altitude. Le torrent l’asperge d’une eau glaciale. Voilà pour le refroidir. Il fait la grimace, ne réalise pas le bonheur qu’il a d’être ainsi baptisé par cette eau née par la grâce des caresses sur les neiges éternelles d’un zéphyr levé dans le golfe du Bengale et qui va, après avoir lavé son corps, rejoindre le puissant et sacré Brahmapoutre ! À quoi pense-t-il à cet instant précis ? Elle le prendrait dans ses bras de géante et il s’enivrerait de son odeur de suint... Arrivé à une confluence de petits torrents, le voyageur poursuit sa descente, de pierre en pierre. Au détour d’une boucle, il s’arrête, épuisé, et se redresse avec plein d’appréhension pour apprécier les difficultés à venir. Un plateau se trouve à quelques mètres. Il semble accessible. Il ne sera plus seul car sur la plate-forme étroite deux vaches paissent le plus tranquillement du monde une herbe rase ! Battue, l’abominable femme des neiges ! Que son salut vienne des vaches plutôt que du Migou, le voyageur aurait dû s’en douter. Les vaches n’ont-elles pas été de tout temps une bénédiction ? La félicité incarnée ? Ample poitrail, cornes nerveuses, grands yeux intelligents, museau badin, généreuses mamelles, queue élégante et souple et lentes ruminations philosophiques. En voilà une qui passe pourtant le plus clair de son temps la tête au raz des pâquerettes. Ceci dit, il ne voit pas vraiment en quoi elles représentent son salut. Si elles sont là, c’est qu’elles y sont venues, pardi ! Et si elles y sont venues c’est qu’elles peuvent s’en retourner. Il suffit d’ailleurs d’y regarder de plus près pour voir qu’un sentier descend du plateau jusqu’à la rivière dans la plaine. De là, un chemin encaissé conduit au village, à deux kilomètres à main droite. Facile. Il chante, le voyageur. Il crie de joie. Il danse. Manque de tombrer dans un précipice. Saute de roche en roche pour arriver enfin au village, à peine une demi-heure plus tard, harassé, le souffle court. La nuit est maintenant tombée. Il croise Luc, le Suisse impénétrable, qui le regarde d’un air inquiet. Dans sa chambre, il se confectionne un thé brûlant. Enfin, il se couche, il respire et s’apaise. Soyez bénis, Brâhma, Bouddha et Grand Lama ! Sans oublier Gao Mata, la Mère Vache que les hindous représentent sous les traits de la belle Prithvi. C’est également sous les traits d’une vache que les anciens Égyptiens représentaient Hathor, déesse de l'amour, de la beauté, de la musique, de la maternité. Alors il ne faudra plus lui en raconter, au voyageur, à propos du paisible ruminant, et il fait serment de ne plus jamais associer son nom à celui des argousins.


Tibet, Qomolungma, Everest, Himalaya, © L. Gigout, 1990
Qomolungma !

Tibet, Qomolungma, Everest, Himalaya, © L. Gigout, 1990

Tibet, Qomolungma, Everest, Himalaya, © L. Gigout, 1990



Tibet, Qomolungma, Everest, Himalaya, © L. Gigout, 1990
Le Véhicule et ses passagers (à contrejour).


De Sakya à Shekar, vendredi. Nous sommes à 483 kilomètres de Lhassa et à 4350 mètres. d’altitude. La piste est de qualité moyenne et le Véhicule exprime sa mauvaise humeur en nous bousculant copieusement. Nous passons le col de Jia Tsuo-la, à plus de 5000 mètres. Sommets enneigés. Arrêt. Phuntsok en profite pour accrocher quelques nouvelles pièces de tissu de couleur à un drapeau de prières maintenu par des blocs de pierre, à côté de la borne indiquant le nom du col et l’altitude. En redescendant vers Shekar, brusquement, l’horizon s’ouvre. Des pics enneigés aux lignes vigoureuses apparaissent, contrastant avec les formes assoupies et sombres des montagnes du plateau. Phuntsok ralentit et nous annonce avec fierté : Qomolungma ! Nous nous regardons. Qomo quoi ? Phuntsok arrête le Véhicule. Qomolungma, Qomolungma ! L’Everest, la Déesse Mère du Monde. 8848 mètres. Nous gagnons le col Tang-la, qui s’ouvre au sud sur les plus hauts sommets du monde. Le Véhicule souffre et geint. La piste, coupée par les éboulis et les torrents gelés, contraint Phuntsok à une interprétation virtuose. Des paysans poussent des ânes chargés de racines et de broussailles de genévriers et de mélèzes, précieux combustibles ramassés dans la montagne. À contre-jour, les montures ressemblent à des animaux fantastiques. Nous sommes au col quand le soleil atteint son zénith. Un vent léger souffle de l’ouest. Nous nous arrêtons. Chacun s’éloigne de son côté pour se choisir un endroit où s’asseoir, un endroit à soi, l’espace de quelques minutes, avec vue sur le Makalu, le Lhotze, l’Everest, le Cho Oyu, le Choksiam.


Tibet, Shekar, © L. Gigout, 1990
Sur la route de Shekar.

Tibet, Shekar, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shekar, © L. Gigout, 1990
Village de Shekar.

Tibet, Shekar, Gutsuo, © L. Gigout, 1990
Montagnes entre Shekar et Gutsuo.

Tibet, Shekar, Gutsuo, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shekar, Gutsuo, © L. Gigout, 1990

Tibet, Shekar, Gutsuo, © L. Gigout, 1990

Tibet, Gutsuo, © L. Gigout, 1990
Village de Gutsuo.


Nous sommes dans une vaste pièce, l’unique de la maison. Le plafond bas nous contraint de baisser la tête lorsque nous sommes debout. Un foyer imposant, central, diffuse une lumière mouvante qui projette des ombres fugitives. Une femme nous invite à prendre place sur de larges banquettes adossées à un mur. Des banquettes qui doivent aussi servir de lit pour toute la famille. Le foyer est rudimentaire. Un trépied porte le brasero alimenté par des galettes de bouse séchée. La partie supérieure est composée d’un plateau destiné à recevoir bouilloires et marmites. Il n’y a pas de cheminée. Un trou pratiqué à la verticale du foyer permet d’évacuer la plus grande partie de la fumée, le reste formant le voile à peine perceptible qui recouvre toute chose. Femmes et filles sont assises avec nous, autour du feu, à même le sol. Elles filent la laine. Avec des gestes rapides et sûrs, elles font tourner un rouet, simple toupie dont le pied danse dans une coupelle. Elles allongent régulièrement le bras pour étirer le fil entre leurs doigts. Faisant tournoyer un rouet volant, celle des femmes qui semble être la mère, tire un fil plus fin. Une autre femme est assise. J’entends le soupir de l’enfant dormant entre ses bras. Un homme se tient en retrait dans l’obscurité du fond de la pièce. Les beaux visages sont attentifs. Sur eux, les lueurs chancellent. Mains aériennes des fileuses. Profil d’une jeune fille qui se lève, se penche au dessus de nous et verse le thé. Délicat ruissellement de la boisson fumante. Discret tintement des toupies en bois dans les coupelles. Crépitement du feu. Soupir de l’enfant. Je suis dans un tableau peint par Rembrandt ou Dumesnil de la Tour à propos duquel Elie Faure écrivait : « Soleil d’âme et de chair où la flamme est tapie, qui sourd des visages et des regards. » Je regarde un instant par la fenêtre. La lune est pleine. Les étoiles scintillent. Dans le profond de la nuit irréelle se détache la cime de l’Everest. Nous avons apporté du beurre de yak et Phuntsok prépare le thé au beurre de yak. Dans un long cylindre en bois il baratte un liquide épais (concentré de thé, beurre rance et eau bouillante) jusqu’à en faire un mélange homogène. Plus tard, il prépare des tsampas. Phuntsok prétend que quelques-unes de ces boulettes (farine d’orge pétrie avec du beurre de yak et épicées d’ail) prises au petit-déjeuner sont suffisantes pour la journée. Au début de la préparation, il a lancé une pincée de farine vers le ciel. La part des dieux. Nous mangeons les tsampas et nous buvons le thé que nous sert à volonté la jeune fille. Nous nous taisons. Soudain une clochette tinte. Les jeunes filles nous regardent en souriant.


Tibet, Gutsuo, Himalaya, © L. Gigout, 1990
Passage du col de Gutsuo (5050 m.).

Tibet, Gutsuo, Himalaya, © L. Gigout, 1990

Tibet, Gutsuo, Himalaya, © L. Gigout, 1990

Tibet, Gutsuo, Himalaya, © L. Gigout, 1990

Tibet, Pelgyeling, © L. Gigout, 1990
Enfant à Pelgyeling.

Tibet, Pelgyeling, © L. Gigout, 1990
Village de Pelgyeling.


Et puis c’est la vertigineuse descente entre Nyalam et Khasa. Le Véhicule est nerveux. Phuntsok, concentré, ne souffle mot. Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’eau et la végétation. Des cascades dévalent les montagnes, traversent la route. Des forêts de pins, de rhododendrons et de bouleaux couvrent les pentes et accrochent les nuages bas. La chaussée est contrariée par les éboulis et l’érosion de l’eau. La température est clémente. Près des villages sont des jardins où l’on voit du maïs, des fruits et des légumes. L’air a un parfum de golfe du Bengale. La petite ville de Khasa est construite sur le flanc de la montagne. La rue unique, boueuse et défoncée, descend le versant en traversant la couche nuageuse. Le Toit du Monde est désormais derrière nous, au-dessus de nous, vers le ciel. Nous sommes redescendus sur terre. Les maisons sont en bois. Les toitures en tôle marbrée de rouille sont fortement inclinées. Les hommes sont débarrassés des lourdes redingotes qui protègent ceux d’en haut du vent et du froid. Ils ont le visage moins dur, les traits plus fins, une allure de citadins. La poussière ne poudre pas leurs cheveux.


Tibet, Khasa, © L. Gigout, 1990
Khasa, village frontalier avec le Népal.


Pour un peu, nous rations le poste de police à la frontière népalaise. De l’autre côté du Pont de l’Amitié se trouvent quelques cahutes où personne ne semble contrôler quoi que ce soit. C’est un jeune homme qui passait par là qui nous a indiqué le lieu adéquat où faire tamponner nos passeports. Des colporteurs transitent, chargés de sacs. Import-export de marchandises diverses : étoffes, thé en briquette, boîtes, cigarettes, chapeaux de fourrure, bijoux, objets rituels, photos en couleur du dalaï-lama et cassettes de musique religieuse. Des guimbardes d’origine indienne ou japonaise aux chromes rutilants, abondamment décorées de colifichets bouddhiques, attendent. Un des chauffeurs nous propose aussitôt de nous conduire à Katmandou. Un instant plus tard, nous nous vautrons sur les coussins moelleux d’une limousine. Voilà qui nous change des véhicules précédents et de leur propension à nous tanner l’ischion. J’ai encore dans la tête la piste tibétaine, l’Himalaya, les étendues arides et glacées, et je demeure étourdi par les 3000 mètres de dénivelé et le rapide changement de climat. Mais alors, quel spectacle ! L’herbe est devenue verte et grasse et les arbustes vigoureux. Les pins ont laissé la place aux feuillages denses et colorés. Végétation tropicale. La vallée que nous suivons est envahie par les banians et les palmiers. Des mandarines et des bananes apparaissent dans le panier des paysannes. Rizières en escalier sur le flanc des montagnes, essences variées, fleurs jaunes faisant des corolles à la roche humide. Les sources vigoureuses s’assemblent pour tracer la vallée. Nous enlevons l’un après l’autre nos vêtements d’hiver. Nous progressons à toute allure, excessivement vite, et j’ai le sentiment que c’est faire affront à ce paysage, d’une telle époustouflante beauté, que le parcourir avec une telle hâte. Nous atteignons Katmandou aux environs de dix-sept heures, heure locale. Pour ne pas oublier trop tôt le Tibet, nous descendons au Lhassa Guesthouse.

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